La nuit d'où naquit l'aube

crédit photo © animam aedificantes tous droits réservés
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Fiche

Monologue féminin de théâtre

Ecriture : David R Belair

Année : 2010

 

Disponible dans le recueil RESISTANCE

Tome V des œuvres complètes de l'auteur 

Année 2012 - 110 pages 

Résumé

Une femme dont on a volé l'enfance, ayant connu la barbarie et côtoyé la mort se tiendra debout malgré tout et transformera sa souffrance en un manifeste de révolte et d'amour.

Représentations

Mise en scène : David R Belair

Distribution : Laura Rucinska 

Production : Imrand Production 

  • Acerma - Paris (2010)
  • Petit Théâtre du Bonheur - Paris (2010)

Extraits

Là dans l’obscurité, je pouvais tremper mon doigt dans le verre et le mettre à ma bouche. Je pouvais me lever et faire quelques pas de danse. Je pouvais chanter à tue-tête si l’envie m’en prenait tout en mâchant le fromage et en buvant par dessus une grande rasade de vin. Je me souvins toute souriante qu’il me restait une ou deux tranches de jambon de pays. Je pensais aux heureux bonshommes qui coupaient de fines tranches d’un gigot suspendu avec leur couteau de poche. Je tenais une tranche suspendue au-dessus de ma tête inclinée vers l’arrière et l’engloutissais toute entière en hommage à ses hommes, à ses paysans, à ses amoureux des bonnes choses. Et j’ajoutais derrière elle dans ma gorge une rasade de bon vin. Et je répétais encore ce geste familier loin de tout, coupais encore une portion de fromage et l’étalais sur le pain et le portais à ma gorge. Ma gorge affamée de baisers… Mange gorge, bois gorge, prends la douceur des fruits de la terre… Ces biens n’étaient pas le fruit des hommes, du moins si peu. C’étaient les fruits de la terre du Dieu auquel je croyais. La nuit m’appartenait. Pour encore un peu de temps.

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A tous ces matins, en vie, tous les deux, en vie. Je sais combien tu étais seul avant de me rencontrer. Tu sais que plus jamais je ne te quitterai mon amour. Je sais que le plus dur pour moi reste à vivre car jamais la société n’acceptera nos règles. Je serai plus forte pour toi, toujours plus forte, ne t’inquiète pas, je me tiendrai droite, toujours plus droite, je serai le t du mot justice, le l du mot révolte, les i du mot insoumission, je serai singulière et je serai plurielle, je serai simple et humble et je serai fière, partout où là j’irai je m’accommoderai et je m’imposerai, chacun de mes mots chacun de mes gestes et tous mes actes et toutes mes paroles seront à eux seuls un poème d’amour et de guerre, un poème en marche, un poème historique et politique, un poème de rêveries et de pierres, d’eau et de sable. Je ferai tout pour en arriver là, je le ferai pour toi, pour moi, pour nous, pour tous ceux de Paris, de Varsovie, de Dublin, de Belfast, de Beyrouth qui nous ont soutenus…

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Lorsque nous avons franchi la porte de ce pavillon résidentiel, j’ai compris, à la seconde même où j’ai aperçu ces hommes et ces femmes j’ai compris. Quand la peur, la terreur, l’effroi se sont emparés de moi, j’ai compris l’ignobilité de ces gens et l’ignominie de mon destin à venir.
Cet immonde porc qui abusait de moi chaque matin dans l’obscurité de ma chambre mais qui à la table de la cuisine entouré d’amis ou encore à la fête foraine au milieu du monde passait pour le plus bon des hommes, et moi qui paralysée, aveuglée, rendue sourde et muette par ce couple machiavélique lui répondait par des sourires… comme si au fond de moi, de mon cœur de petite fille, je ne devais pas voir que j’avais en face de moi une bête, mais un gentil beau papa… qu’il fallait mieux que je me dise que tout cela était naturel…

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Je sais ce qui surtout comprime ma poitrine. Cette société laisse ses enfants mourir par la haine et le chaos et délaisse ses aînés dans des maisons de retraite aux soins palliatifs expéditifs et sur le dos desquels les directeurs s’enrichissent. Les grands patrons s’enrichissent, les élus s’enrichissent, les politiciens s’enrichissent et les gens du peuple les employés, les ouvriers, les artisans, les étudiants, les sans emplois, les sans abris plient, plient, plient n’en finissent plus de plier. Mais que vaut une soit disant démocratie lorsqu’on néglige et ses enfants et ses aînés, et son avenir et ses racines ? Pourquoi ne dit on pas clairement que nous ne souhaitons plus de nouveaux nés ?
Il faut aseptiser l’enfant dans le berceau et pour cela que les parents soient aseptisés et tous les adultes aux alentours et que les vieux meurent calmement dans l’indifférence. Ah mais ils ont d’autres projets pour vos enfants.
Je suis toujours surprise par l’étrange sentiment qui m’envahit lorsque je regarde une personne âgée et l’imagine dans son jeune âge, au prise avec ses besoins de permission et ses envies de découvertes puis dans son âge plus tardif avec ses problèmes d’émancipation d’autorité et d’assouvissement sexuel, au meilleur de sa forme et au mieux de sa beauté et de voir ce qu’il en reste dans le regard furtif que nous leur témoignons.
La disparition du respect des anciens exprime toute la déraison dans laquelle se confine l’irrévérence des jeunes démocraties dont la France n’est pas exempte

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Qu’emmènerai-je avec moi lorsque je quitterai ce monde?

Le souvenir de l’amour et de la barbarie des hommes. L’amour et la guerre sous toutes formes. Une histoire à deux têtes. Une humanité contradictoire. Et au milieu de ces deux sœurs ennemies, le choix de l’humanité. Le choix de l’être humain, physique, spirituel, métaphysique inscrits dans son cœur et dans son esprit et dans son âme. Le choix d’aller d’un côté ou de l’autre. Le choix ou non choix de se plier ou de résister à un côté ou à un autre, de regarder ou de ne pas regarder, de chercher ou de ne pas chercher, de dire ou  de ne pas dire, de se battre ou de ne pas se battre, d’essayer ou de ne pas essayer, d’attendre ou de ne pas attendre, de croire ou de ne pas croire, ces choix mêmes et ces non choix qui sont encore des choix.
Et pourtant, si l’homme savait combien il a son destin entre ses mains. Mais si un seul sait, les autres le spolient sans savoir. C’est ainsi… pour l’instant… ou pour toujours…
 

©  2010 - Sacd - Belair - Tous droits de reproduction interdit sans l'accord de l'auteur

Notes de Mr Belair

J'avais composé essentiellement jusque là des monologues masculins (qui se retrouvèrent pour la plupart transformés en long poème épique dans mes recueils édités) et j'éprouvais à la fois le désir d'écrire pour les femmes et de diriger une actrice.

Je ne souhaitais pas comme à mon habitude attendre des subventions qui ne viendraient pas alors j'ai cherché une comédienne prêt à commencer les répétitions sur le champs. Et un jour j'ai rencontré Laura Rucinska. Nous avons pris un café près du jardin des Tuileries, un dimanche calme et pluvieux et je lui ai fais ma proposition d'écrire sur des thèmes qui lui importeraient et de partir à l'aventure. Elle me donna des thèmes dont ceux de l'exploitation des femmes, de l'esclavagisme moderne, de la prostitution... et nous nous séparâmes. Une ou deux semaines plus tard nous commencions les répétitions.

La pièce fut unanimement saluée par les spectateurs au fil des représentations. Les remerciements à ce texte que je savais très fort, à ma mise en scène pauvre financièrement mais intelligemment ordonnée, l'interprétation pleine de sensibilité, de fragilité et de vie de Laura allait attiser de sincères et chaleureuses congratulations du public. A peine quelques individus partirent sans sembler délivrer d'émotion particulière et une poignée eurent bien essayer de grogner dans leur barbe pour ne pas avoir aimer les allusions politiques par endroit, mais reconnaissant encore la pertinence du texte et la beauté de son interprétation. Seuls Les journalistes comme toujours et autres personnalités invités ne se déplacèrent pas. Ainsi cette pièce qui pourrait figurer parmi les références du théâtre contemporain disparut comme elle vint.   

Si une jeune personne passionnée ou une grande artiste confirmée veut toutefois l'interpréter dans les années à venir ce sera une immense plaisir de la retrouver. 

 

Notes de Melle Rucinska

Au travers des différents rôles qui m'ont été confiés j'ai pu exprimer des émotions très variées,

aimer des personnalités différentes. Je me suis toujours inscrites, dans l'expression théâtrale, dans

un investissement pour faire passer des messages de Vie.

Aujourd'hui, à travers le personnage d'Elena dans « La nuit d'où naquit l'aube », David m'a offert la

possibilité de dénoncer une réalité. Elle n'est étrangère à personne, car nous avons tous croisés dans

notre petite existence des personnes abusées, et désabusées, des personnes qui donnent leur corps

par obligation, pour vivre. Ces personnes sont sur nos trottoirs de Pigalle, dans les bois de

Boulogne... Elles existent et je les ai rencontrés. David a écrit ses pages à partir de ce que je lui

avais rapporté. Je veux par ce texte dénoncer pour aider en permettant la prise de conscience car

chacun de nous peut faire quelque chose pour lutter contre l'esclavage sexuel.

 

Notre rencontre...

Un soir de décembre, alors qu'il pleuvait, je buvais un chocolat à la terrasse d'un café et il s'est

approché, de son humeur d'intellectuel il commença à me parler.

Et c'est là que j'ai pu exprimer ce que mon Coeur souhaitait depuis longtemps. Nous avons parlé de

la condition de le femme dans le monde, et de ce qui se tramait pour les fils de l'Est,ce qui était

étouffé, passé pour une normalité, maquillé par les paillettes et la lumière des spots...

De là est né, sous la plume de cet érudit, « La nuit d'où naquit l'aube »...

 

Avis du public

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